Les pâtes à la carbonara (pasta alla carbonara en italien) sont une spécialité culinaire traditionnelle de la cuisine italienne, originaire de Rome, à base de pâtes, très souvent des spaghetti, cuisinées dans une émulsion d'oeuf et de fromage rapé, accompagné de lardons italiens appropriés. Malgré de nombreuses légendes sur son origine, sa recette n’est attestée qu’à partir de la moitié du xxe siècle en Italie, et sa composition moderne remonte aux années 1990[2],[3],[4],[5]. La crème faisait initialement partie des ingrédients principaux avant son abandon en Italie à la fin des années 1980.
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Pâtes à la carbonara | |
Spaghetti à la carbonara. | |
Lieu d’origine | Rome, Latium (![]() |
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Date | xxe siècle |
Place dans le service | Primo piatto (it), plat principal |
Température de service | Chaude |
Ingrédients | Guanciale (ou pancetta[1]), œufs, fromage à pâte dure (généralement du pecorino romano, du parmesan ou un mélange), poivre noir |
Mets similaires | Cacio e pepe, gricia, amatriciana |
Classification | Cuisine italienne |
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La recette moderne des pâtes à la carbonara utilise des spaghettis, du guanciale (ou de la pancetta), du pecorino (ou du parmesan), du jaune d’œuf et du poivre[4],[6].
Le Club della carbonara, créé en 1998, propose en 2012 une recette unique pour clore la question des différentes versions diffusées dans tous le pays[3]. La recette se veut démocratique, en laissant chacun l’adapter à ses exigences tout en respectant la tradition[3]. Il est ainsi laissé le choix entre pancetta et guanciale, entre pecorino et parmesan (ou un mélange des deux), entre des œufs entiers ou uniquement les jaunes[3]. La préparation se réalise ensuite de la façon suivante : les œufs sont battus dans un bol avec une partie du fromage et une pincée de poivre jusqu’à l’obtention d’un mélange crémeux[3]. Les pâtes, bien égouttées, sont ajoutés au guanciale/pancetta doré dans une poêle[3]. L’ensemble est ensuite mélangé et servi[3].
De nombreuses variantes existent, notamment avec des légumes de saison (artichauts, asperges)[5]. La recette varie également en fonction des régions : la crème est rarement utilisée en Italie, mais fréquemment à l’étranger, comme l’ail[7],[8],[9]. Dans les pays anglo-saxons, le bacon remplace souvent le guanciale[8].
En 2021, le chef Valerio Braschi, vainqueur de la sixième saison de MasterChef Italie, propose une « carbonara liquide », sans calories et à l’aspect d’un verre d’eau, obtenue par distillation d’un mélange de sabayon au pecorino, de bouillon de poivre noir et de crème de guanciale doré[5],[10].
Le premier exemple d’association entre œuf et pâtes attesté dans la littérature culinaire italienne apparaît dans Il cuoco galante (Le Cuisinier galant), ouvrage important du napolitain Vincenzo Corrado publié en 1773, à la même époque que l’ouvrage de cuisine « théorico-pratique » (Cucina teorica-pratica) d’Ippolito Cavalcanti (it)[2]. Dans chacun de ces ouvrages, l’œuf est utilisé uniquement comme épaississant pour la soupe de pâtes, les boulettes de pâtes frites ou les timballi[2]. Un siècle plus tard, dans Il principe dei cuochi (1881), Francesco Palma décrit une préparation de pâtes avec du fromage, de l’œuf et du saindoux[2]. L’utilisation de lard ou de guanciale comme accompagnement des pâtes apparaît bien plus tard dans les ouvrages de cuisine[2]. Dans Il piccolo talismano della felicità (1949), Ada Boni (en) décrit par exemple la recette des spaghettis au guanciale, mais celle-ci n’utilise pas d’œuf[2].
Il n’existe aucune utilisation attestée de l’expression « pâtes à la carbonara » avant la Seconde Guerre mondiale[7]. La première occurrence connue de l’expression « spaghetti alla carbonara » est dans le film Cameriera bella presenza offresi... (en) de Giorgio Pàstina sorti en 1951, dans lequel, lors d’un entretien d’embauche avec une femme de ménage (interprétée par Elsa Merlini), le futur employeur lui demande si elle « sait faire des spaghetti alla carbonara »[alpha 1]. Dans le film, la femme de ménage ne connaît pas cette recette, alors qu’elle connaît par exemple les spaghettis à l’amatriciana[2].
Plusieurs hypothèses coexistent sur la naissance du plat proprement dit[2]. Il est probable que la disponibilité des rations militaires américaines en Italie juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale ait favorisé sa création, et le mariage des œufs et bacon américains avec les pâtes et fromage italiens a rendu la recette immédiatement populaire aussi bien aux États-Unis qu’en Italie[2]. Dans sa grande encyclopédie de la gastronomie (2008), Marco Guarnaschelli Gotti écrit que « quand Rome fut libérée, la pénurie alimentaire était extrême, et une des rares ressources était les rations militaires distribuées par les troupes alliées ; celles-ci comportaient des œufs (en poudre), du bacon (pancetta fumée) et de la crème fraîche, et quelqu’un eu l’idée de mélanger tout ça en sauce pour les pâtes[alpha 2],[11] ». Cette hypothèse est appuyée par le récit de Renato Gualandi, un jeune cuisinier bolonais engagé le pour préparer un repas pour l’occasion de la rencontre entre la 8e armée britannique et la 5e armée américaine dans la ville de Riccione libérée :
« les Américains avait du bacon fantastique, de la crème fraîche excellente, du fromage et du jaune d’œuf en poudre. J’ai mis tous les ingrédients ensemble et j’ai servi ces pâtes aux généraux et aux officiels. Au dernier moment, j’ai décidé de mettre du poivre noir, ce qui a créé un goût très parfumé. J’ai cuisiné l’ensemble de façon assez “baveuse” et les hôtes furent conquis »[alpha 3],[2]
Gualandi devint ensuite cuisinier des troupes alliées à Rome de à , une période suffisante pour diffuser la recette de la carbonara dans la capitale[2]. Le bacon sera ensuite rapidemment remplacé par la variante locale, la pancetta, puis le guanciale[3]. La crème fraîche présente dans les premières recettes tend en faveur de cette origine puisque la crème pouvait servir à diluer les œufs en poudre issus des rations américaines[4],[5],[11]. Selon Igles Corelli (it), qui a retracé l’histoire du plat, Renato Gualandi aurait en réalité inventé le plat par hasard à Rome et non à Riccione, ce qui explique pourquoi son origine est revendiquée par les Romains et non par les Romagnols[12].
La première recette des pâtes à la carbonara publiée apparaît en 1952 aux États-Unis dans un guide des restaurants du Near North Side de Chicago écrit par Patricia Bronté : dans sa recension du restaurant « Armando's », elle cite la recette précise des pâtes à la carbonara donnée par les deux propriétaires italiens[2],[3],[4]. La première version italienne date d’ quand elle apparaît dans la revue La Cucina Italiana (en)[2],[4]. Les ingrédients qui la composent sont : les spaghettis, l’œuf, la pancetta, le gruyère et l’ail[2]. Si ces ingrédients peuvent surprendre qui est habitué à la recette moderne, ils sont cependant normaux pour une recette encore peu connue au niveau national et en cours de définition[2]. L’année suivante, la recette apparaît pour la première fois dans un véritable ouvrage de cuisine (La signora in cucina de Felix Dessì) avec les ingrédients suivants : pâtes, œuf, poivre, parmesan (ou pecorino) et pancetta[2].
La consacration des pâtes à la carbonara comme recette faisant partie du répertoire culinaire nationale arrive en 1960 avec la publication de l’ouvrage La grande cucina de Luigi Carnacina (it)[2]. Pour la première fois apparaissent deux ingrédients : le guanciale, qui remplace la pancetta, et la crème fraîche, qui restera présente dans les recettes jusqu’à la fin des années 1980 dans des quantités parfois importantes (par exemple la version de Gualtiero Marchesi publiée en 1989 suggère 1⁄4 de litre pour 400 g de spaghettis)[2],[3].
Dans les années 1970, l’œuf cuit disparaît au profit de l’œuf cru, qui se limitera plus tard au seul jaune[3].
Jusque dans les années 1990, plusieurs autres ingrédients appariront dans les recettes, tels que le vin, l’ail, l’oignon, le persil, les poivrons, ou encore le piment[2]. Tous ces ingrédients seront plus tard éliminés en faveur de produits liés au territoire romain, où la recette s’est fortement implanté[5]. Les trois ingrédients désormais classiques sont l’œuf (très souvent uniquement le jaune), le pecorino et le guanciale, accompagnés d’une quantité plus ou moins abondante de poivre[2],[4].
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